Avis au public, exposition personnelle du 19.11 - 03.12.2011
7 salles, installations in situ
Rentrer dans le cocon d’une maison, dans l’univers feutré d’un chez soi, et ici en l’occurrence d’un chez elle/chez eux, est une démarche relevant a priori du domaine de l’intime, du privé ou, à l’extrême, du voyeurisme. Dès lors invité, le visiteur est amené à découvrir la maison située 9, rue Demy Schlechter à Bonnevoie, de l’artiste Neckel Scholtus les 19 et 20 novembre et 03 décembre 2011. Cette maison mitoyenne incarne le plein malgré son vide apparent : pleine d’histoires, pleine de lumières et surtout pleine de motifs, celui des tapisseries, des luminaires, des boiseries... Cette accumulation de petits détails envahit l’espace. L’atmosphère est chaleureuse presque étouffante. Aurait-on pu vivre de cette manière, noyé dans ce flot graphique aux entrelacs, surimpressions, couleurs vives, paysages forestiers… ? L’artiste Neckel Scholtus analyse visuellement cet état de fait et de s’en approprier physiquement par le biais de la photographie et de l’installation. Sans cesse à la rencontre de mythologies personnelles et d’histoires vécues, l’artiste luxembourgeoise a été chercher l’ancienne propriétaire ou plutôt son histoire : qui a vécu là avant elle ? Comment ? Avec qui ? A travers une série de photographies issue d’archives familiales, l’artiste retrace la vie de la famille Haas. Elle investit les murs des trois étages de la maison en y mêlant les photographies du passé du présent et celles de l’avenir. Elle ajoute une part d’elle-même, de son histoire, juxtaposant ainsi les données, les temporalités, les supports et les perceptions. Le visiteur est amené à regarder dans des judas, ouvrir des portes, monter des escaliers, regarder de près des « échographies », admirer des rayogrammes. Loin (ou pas tant…) du voyeurisme de Etant donnés : 1°) la chute d’eau, 2°) le gaz d’éclairage (Marcel Duchamp, 1968), on est mis à contribution, on doit regarder dans la lorgnette, toucher le simili gazon… Le point d’orgue reste historiquement et scénographiquement le grenier, vision imaginée d’un futur probable : l’ancienne propriétaire, décédée, devenue voisine de palier malgré elle (la maison se situe en face du cimetière) fait se poser la question : quelle est la finalité de ce voyage spatio-temporel ? Cette demeure est-elle uniquement la marque d’une époque révolue? On pourrait penser qu’il s’agit là d’un hommage mortuaire glauque ; personnellement, j’y ai plutôt perçu une recherche de complément d’identité de la nouvelle propriétaire à travers le bâti. De fait, « la photographie ne remémore pas le passé (rien de proustien dans une photo). L’effet qu’elle produit sur moi n’est pas de restituer ce qui est aboli (par le temps, la distance), mais d’attester que cela que je vois, a bien été » (Roland Barthes, La chambre claire, p129, éd. Cahiers du cinéma, Gallimard, Paris). Plus qu’une exposition, Avis au public est une nouvelle forme d’investissement de l’immobilier s’appuyant sur les fondations des rapports humains.
E. Lisa Annicchiarico pour Dixit
Neckel Scholtus invite à découvrir une résidence d’artiste d’un autre genre. La sienne. Son domicile, où elle s’apprête à emménager. Elle l’explore sous toutes les coutures dans une série d’installations intimistes.
Le titre de l’exposition, Avis au public, n’est pas uniquement choisi pour annoncer un chantier de rénovation dans la maison de la rue Demy-Schlechter, où Neckel Scholtus s’apprête à vivre. C’est aussi l’annonce d’une transition, d’une réappropriation des lieux. Un chantier spirituel que la plqsticienne ne pouvait qu’entamer en ouvrant les portes de son futur domicile.
La démarche est un brin voyeuriste, car elle donne à voir l’intérieur vidé mais néansmoins propret d’une famille moyenne luxembourgeoise. Neckel Scholtus assume et provoque ce point de vue sans aucun jugement. Pour l’entrée en matière, elle a disposé sur un mur de papier peint quelques boîtes à bijoux percées d’un judas. Le spectateur y découvre des éléments de l’album de famille du propriétaire précédent, qui habitait là depuis les années 50.
C’est comme si l’artiste avait retourne l’espace privé comme un gant, mettant à nu ses coutures, donnant au public ce qu’il gardait bien au chaud dans son intimité feutrée.
La plasticienne s’est tout d’abord intéressé au papier peint. Sur une note poétique, elle met en abyme le charme désuet de ses motifs floraux à l’aide de prélèvements botaniques: une tenture d’herbe naturelle suspendue au mur, des photographies de gazon aus motifs géométriques ou encore un pan de mur entier papissé d’une photographie d’extérieur, percée de meurtrières donnant un jardin privatif. “Il s’agissait de voir où l’on trouve cette matière botanique qui se transforme en papier peont”, souligne Neckel Scholtus.
Le fil rouge botanique se poursuit dans une autre salle, où des pommes de terre germées (issues de l’exploitation familiale) tapissent les murs. Cette tapisserie vivante, en pleine éclosion, se voit soulignée par quelques rayogrammes ( du nom de Man Ray), qui rappellent la formation en photographie de la nouvelle résidente.
Peu à peu, ce contraste entre éléments végétaux et revêtements muraux jaunis par le temps donne lieu à une réflexion du temps, sur les aspirations d’une famille moyenne et sur les cycles qui rythment la vie d’une demeure.
Au grenier, d’ailleurs, une citation de Marguirite Duras inscrite sur un mur jaune ose le rapprochement entre la naissance et la mort, insinuant, sur un mode de provocation qui tranche avec ces lieux discrets et bien abrités, que chaque naissance équivaut à un assassinat, tant elle est déchirante.
Ce n’est donc pas un hasard si, en poussant cette porte, le visiteur tombe sur une vue du cimetière de Bonnevoie, sur lequel donne la maison. Auparavant, Neckel Scholtus y avait planté uen tente qu’elle avait prise en photo, comme pour signifier la précarité même de toute forme d’habiter.
Vincent Wilwers pour le Jeudi